L’intérêt majeur de l’extraction implantation et remplacement immédiat n’est plus à démontrer. Cette modalité de traitement, largement utilisée, est une solution comportant des avantages psychologique, esthétique et fonctionnel avérés ; la clé du succès ne se limite plus uniquement à l’ostéo-intégration de l’implant. Une intégration esthétique et biologique de la future restauration devient la condition sine qua non de la réussite du traitement. L’étape de la temporisation revêt une importance cruciale pour obtenir ce résultat souhaité; quoi de plus indiqué et précieux que l’anatomie de la couronne naturelle avec sa forme de contour et son profil d’émergence idéal pour allier biointégration prothétique à l’ostéo-intégration implantaire ?
Situation clinique initiale
Dans le cas clinique faisant l’objet de cet article, la patiente présente une mobilité et une douleur importante au niveau de l’incisive centrale droite, ainsi qu’une gêne fonctionnelle, interférant avec son occlusion (fig 1). L’état parodontal de la patiente montre une profondeur au sondage de 10 mm, accompagnée de suppuration et saignement. À l’examen clinique, nous notons une égression ainsi qu’une vestibulisation de l’incisive. L’examen radiologique (fig 1A et 1B) (cone beam) met en évidence une perte d’attache associée à une perte osseuse importante de la table vestibulaire, suggérant une lésion endo-parodontale mais d’origine parodontale. L’ensemble de ce tableau clinique et radiographique condamne raisonnablement cet organe dentaire.
La patiente souhaite une réhabilitation fixée de l’incisive centrale, et refuse toute phase de temporisation par prothèse amovible transitoire. L’utilisation d’un éventuel bridge collé peut être à proscrire de par l’existence du diastème inter-incisif. La situation clinique et radiographique est favorable à la réalisation d’un traitement implantaire de type « extraction et implantation immédiate », qui est donc proposé à la patiente. Nous présentons ici les étapes de ce traitement.
Extraction et implantation immédiate
L’avulsion de l’incisive centrale est réalisée de façon « atraumatique » afin de conserver l’intégrité de l’architecture alvéolaire et gingivale, notamment dans la zone vestibulaire. Cette étape est facilitée par la mobilité initiale de la dent. Aucun lambeau n’est soulevé (fig 2).
Un curetage de l’alvéole minutieux est nécessaire pour l’élimination du tissu de granulation. Un antibiotique local (oflocet) est utilisé pour désinfecter l’alvéole d’extraction. Un implant bone level de type IBS Magicam 13 mm de longueur et de 4.5 mm de diamètre est positionné suivant une séquence de forage progressive (fig 3), légèrement déporté en palatin, de manière à obtenir une stabilisation primaire favorable au moment de la pose de l’implant (fig 4-5).
De plus, nous savons que la position de l’implant dans les trois dimensions influence le profil d’émergence désiré de la future restauration prothétique.
Gestion de l’environnement tissulaire: comblement du gap vestibulaire
L’extraction d’une dent est inévitablement associée à des changements dans la structure des tissus durs et mous environnant. La perte de volume osseux consécutive à une avulsion dans le secteur incisif maxillaire peut conduire à un échec esthétique : une stratégie de préservation alvéolaire doit donc être mise en place afin de limiter ces changements. Pour cela, une greffe de Bio-oss ainsi d’une greffe de tissu conjonctif enfoui (fig 6-7) sera réalisée immédiatement après la pose de l’implant pour combler le gap osseux, doubler l’épaisseur de la paroi gingivale vestibulaire et éventuellement anticiper une perte de volume des tissus mous trans-gingivaux.
Lors de la réalisation d’une technique d’extraction implantation en secteur antérieur au maxillaire, la gestion de l’environnement tissulaire est intimement corrélée à la qualité de la restauration implanto-portée provisoire : celleci vient accompagner la cicatrisation et la maturation des tissus mous. il convient donc de ne pas négliger cette étape fondamentale. l’erreur fréquemment produite est un surcontour sous gingival entrainant une migration apicale du bord gingival libre vestibulaire.
La dent naturelle présente évidement la forme d’émergence et de contour idéal, c’est ainsi que son utilisation trouve toute sa justification.
La restauration provisoire doit être toujours réalisée dans l’esprit de la restauration prothétique finale. L’extraction de l’incisive centrale 11 est suivie de la pose d’une restauration provisoire conçue à partir de la couronne de la dent naturelle, selon une méthode reproductible et effectuée avec grand soin sous loupes binoculaires.
- une sonde parodontale graduée est utilisée pour déterminer la hauteur entre l’émergence de l’implant et l’extrémité de la couronne, selon son grand-axe.
- la hauteur est reportée sur la dent naturelle en vue de sa découpe. Un espace de 1 à 2 mm entre le bord libre du fragment et l’armature du pilier est recherché (fig 8).
- le fragment coronaire obtenu est évidé et creusé à l’aide d’une fraise boule afin d’obtenir un intrados artificiel, qui recevra l’émergence du pilier implantaire. L’intrados de la couronne est mordancé (fig 9).
- indexation de la dent provisoire naturelle (fig10) : une petite quantité de résine est placée dans l’intrados de la couronne temporaire et positionnée en bouche sur le pilier implantaire préalablement vaseliné, en contrôlant minutieusement les éventuels excès de résine.
- le fragment temporaire, ainsi indexé est alors repositionné sur un pilier implantaire extra buccal, réplique exact du pilier existant en bouche.
- les manques sont comblés à l’aide d’un pinceau (fig 11) : la forme de contour et le profil d’émergence sont minutieusement reproduits, étape facilitée par le profil de la dent naturelle pré existant.
- un polissage rigoureux termine la conception de cette restauration provisoire naturelle (fig 12-13).
- enfin, la dent est soigneusement nettoyée et immergée pendant plusieurs minutes dans une solution antibiotique (fig 14).
Scellement et contrôle des excès
Le scellement s’effectue à l’aide d’IRM, après avoir préalablement protégé l’entrée du puit du pilier implantaire à l’aide de téflon (fig 15).
Le ciment de scellement est appliqué dans l’intrados de la couronne provisoire qui sera d’abord positionnée hors de la bouche, sur le pilier duplicata utilisé lors de l’élaboration de la provisoire, afin d’éliminer l’excès de ciment puis rapidement reportée en bouche sur le pilier implantaire intra buccal en attendant sa prise. L’occlusion est réglée afin de lever les contraintes occlusales statiques et dynamiques (fig 16).
Cicatrisation et maturation
Cette couronne provisoire est laissée en place 4 mois, le temps nécessaire pour obtenir une maturation profonde du tissu conjonctif et la formation de l’espace biologique implantaire. D’un point de vue psychologique, la présence de la restauration provisoire permet de rassurer le patient : l’esthétique est préservée durant toute la phase d’ostéo intégration, de plus, sa dent n’a pas été « totalement perdue » puisqu’elle a été « réutilisée ». A 4 mois post-opératoire, le résultat biologique et esthétique obtenu est satisfaisant : on note une bonne intégration de la restauration au niveau du parodonte (obtention des contours gingivaux souhaités) (fig 17-18-19).
Restauration définitive
La phase de restauration définitive peut débuter. Tout le challenge réside à présent au niveau du laboratoire de prothèse qui devra mener une reproduction exacte de la dent naturelle, utilisée précédemment de façon provisoire. Une empreinte est réalisée en vue de délivrer au laboratoire un maximum d’informations sur le profil d’émergence modelé par la restauration provisoire.
Il est à noter que la position tridimensionnelle de l’implant est transférer au prothésiste via une indexation du pilier implantaire laissé en bouche pour satisfaire au concept du « one abutment, one time »
De plus, une empreinte de l’arcade complète, provisoire en place, lui sera fournie ainsi qu’un dossier photographique, regroupant le maximum d’éléments visuels. La couronne définitive est scellée à l’aide de ciment de scellement verre ionomère renforcé à la résine (fuji +) (fig 21 final). Pour optimiser le résultat esthétique, un pilier prothétique préalablement anodisé et stérilisé est substitué au pilier prothétique préexistant et sera sécurisé à 30n/cm à l’aide d’une clé dynamométrique (fig 20-21).
Les manoeuvres de vissage/dévissage, néfastes pour la stabilité des tissus mous et risquant de modifier le niveau gingival obtenu, doivent être réduites au minimum ; l’unique fois au court de laquelle le berceau gingival épithélio-conjonctif a été exposé correspond au moment de ce changement de pilier.
Une radiographie rétro-alvéolaire est effectuée afin de s’assurer de la bonne intégration prothétique de la couronne à l’armature supra-implantaire et de l’absence d’excès de ciment de scellement (fig 22).
Un examen cone beam petit champ, axé sur la dent 11, est réalisé en vue d’apprécier, au jour de la pose de la couronne définitive, la bonne intégration de l’implant dans son environnement osseux (fig 23).
Discussion
L’extraction d’une dent entraîne des modifications de volume qui peuvent avoir des conséquences majeures dans le secteur antérieur, notamment d’ordre esthétique. Le succès des réhabilitations implanto-portées dans ce secteur dépendra du positionnement de l’implant, de la gestion des tissus mous de la zone vestibulaire et d’une réhabilitation provisoire de qualité. La phase de temporisation est essentielle dans l’obtention du résultat final : outre la cicatrisation des tissus mous, il sera possible d’optimiser le « berceau gingival » périphérique à la prothèse transitoire par modification du profil d’émergence de celle-ci (ajouts progressifs de résine). L’extraction-implantation immédiate, lorsqu’elle est indiquée, constitue une stratégie thérapeutique intéressante pour le patient : nombre de rendez-vous réduit, solution de temporisation fixe et esthétiquement satisfaisante…
La dent naturelle, lorsque le fragment coronaire est intègre de toute détérioration ou manque important de substance, constitue un outil idéal pour la conception de la restauration prothétique provisoire : il s’agit d’un matériau naturel, aux bonnes propriétés optique et esthétique dont la bio compatibilité tissulaire idéale n’est pas à démontrer.
Cette dent naturelle, condamnée auparavant, comporte des informations précieuses, qui ne peuvent être négligées et permet, malgré sa nécessaire extraction, de se révéler comme étant encore bien utile.
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